Pour le Leader politique, remettre les camions est une bonne chose, mais cela engendre d’autres problèmes qui appellent à l’organisation et la prévoyance
Le matériel roulant, véhicules militaires, aéronefs et autres remis à la CENI (Commission électorale nationale indépendante) ainsi que la problématique sur la machine à voter ont constitué les principaux points abordés avec le député national Alexis Mutanda au cours de l’interview, à bâton rompu, qu’il a accordée le mercredi 30 octobre en son bureau de travail, à la presse qui tenait à avoir la position de cet opérateur politique qui souvent a une longueur d’avance par rapport aux questions d’actualité.
D’entrée de jeu, l’élu de Mbuji-Mayi pour le compte de l’UDPS (Union pour la démocratie et le progrès social), a fixé les contours, soulignant le fait qu’il ne faut pas que les Congolais se mettent chaque fois en tête que lorsque le gouvernement joue son rôle, il faut absolument se mettre à genou ou dire Inch’allah. Cela n’est pas normal du tout parce qu’ils sont au pouvoir et sont payés pour cela.
L’essentiel de cet entretien dans les lignes qui suivent
Remettre le matériel électoral à la CENI, comme le gouvernement vient de le faire, est tout à fait normal et ordinaire, parce que tout le monde sait que la CENI est un organe technique qui dépend du gouvernement du point de vue financier. Ce qui a été remis comme matériel est très important. Toutefois, il se pose beaucoup de questions car on sait comment les choses se passent au pays.
Vous avez parlé de camions, des aéronefs et d’autres engins qui soulèvent ipso facto la problématique de la qualification des chauffeurs et des pilotes, l’état des engins, l’approvisionnement en carburant etc. Par ailleurs, il ne faut pas oublier qu’il s’agit de la RD Congo, qui a une superficie de plus de 2 kilomètres carrés, qui compte 26 provinces. Avec ça, les camions militaires seront conduits par des militaires, alors que la CENI est exclusivement composée d’un personnel civil. Une question se pose :
De qui ces chauffeurs vont-ils dépendre ?
Sans oublier le fait que ces camions auront besoin de carburant et autres pièces de rechange, et devront être dispatchés à travers les provinces, dans les territoires jusque dans les secteurs. On connaît l’état défectueux des routes dans toutes les provinces. C’est dire que derrière ces engins il y a des problèmes qui se cachent et qu’il ne faut pas minimiser. Ils doivent être résolus d’avance.
Quand vous confiez le matériel et toute la logistique à la CENI, cette dernière doit avoir une main mise sur ces instruments et sur ceux qui vont les manipuler. Il ne faut que la CENI endosse la responsabilité des problèmes subsidiaires qui pourraient surgir et relatifs aux pièces de rechange, à l’approvisionnement du carburant et autres.
Être sceptique
Ce n’est pas qu’on est sceptique, ce que quand vous demandez à quelqu’un d’aller maintenant à l’aéroport de N’Djili et d’être-là dans 30 minutes. Il va se demander avec quel moyen de transport, s’il y a des problèmes d’embouteillage qui pourraient se poser, et s’il y a d’autres problèmes qu’est-ce que je vais faire?
Ce sont-là des problèmes réels qui peuvent se poser sur le terrain. Aussi, si on vous remet 10 camions pour gérer, vous allez vous poser la question de savoir qui sont les conducteurs, quel est l’état de ces camions, qui va s’occuper des carburants et des pièces de rechange. Vous allez également vous poser la question de savoir sur quelle route ces véhicules vont rouler?
Nous applaudissons
Ce ne sont pas des questions superflues, c’est parce qu’on est au mois de novembre, et il reste presqu’un mois et demi avant d’arriver à la date du 23 décembre, date des élections. Les camions sont-là, qui doivent être dispatchés, comme je l’ai relevé, à Isiro, à Popokabaka, à Kabinda, etc. Tout gouvernement, tout pouvoir public est tenu de répondre aux besoins du pays. Les élections vont se tenir le 23 décembre, vous remettez un lot de véhicules à la CENI, nous applaudissons, nous disons très bien. Il se pose un problème aussi important que la remise des véhicules à la CENI.
150 camions disponibilisés pour un grand pays comme la RD Congo, et qu’il faut acheminer aux endroits prévus pour servir. Il faudra des chauffeurs compétents, du carburant etc. Une fois que ces véhicules tombent en panne, il faudra les réparer. Tout ceci implique toute une logistique, toute une organisation. Surtout que ces camions doivent permettre le déploiement des machines à voter.
Efficacité
Il y a encore des machines à voter qui sont à Dar-es-Salam, en pleine mer quelque part, il faut qu’elles arrivent à Kinshasa, puis déployées là où elles vont servir. On ne se doute de rien, mais on dit qu’il y a encore une vaste logistique derrière tout ce qui vient d’être remis à la Ceni.
En plus ce sont des camions militaires. Où se trouvent les garages pour les réparer, surtout qu’ils peuvent tomber en panne. Remettre les camions est une première étape, ils doivent être transférer là où on doit les utiliser le moment voulu. Où se trouve le garage principal, où se trouvent les garages provinciaux ?
Autre préoccupation, les militaires qui conduisent ces camions vont obéir aux injonctions de la CENI, parce que c’est elle qui va gérer les véhicules. Sachant très bien que les militaires vont répondre d’un côté de l’armée, et de l’autre de la CENI, une pagaille est à craindre. Ce n’est pas qu’on est négativiste, ou de mauvaise foi. Ce sont des problèmes réels. Il faut donc problèmes réels.
Il faut donc de l’organisation et de la prévoyance pour avoir toutes les chances de réussir.
Aligner des véhicules sur le boulevard est certes impressionnant pour les Kinois, mais faut-il encore savoir dans quel état ils se trouvent? En outre, la CENI doit s’assurer de donner des injonctions à ces militaires, que les problèmes de logistiques vont être résolus, et s’assurer des points d’approvisionnement en carburant à l’intérieur du pays.
Au sujet de la machine à voter
Par rapport à la machine à voter qui divise les Congolais, certains affirment qu’elles peuvent faciliter la tricherie. Des Congolais ont l’habitude de simplifier les choses, alors que les choses ne sont pas aussi simples. N’oublions pas que ce sont les mêmes personnes qui organisent les élections depuis 2006, où il y a eu des fraudes massives. Ce qui est vérifiable. C’est la même chose en 2011 quand les sièges ont été attribués aux partis politiques et aux acteurs politiques.
On a un pouvoir organisateur qui triche depuis longtemps, on triche depuis 2006 jusqu’aujourd’hui. Pour ce processus électoral de 2018, on est venu de loin. Les élections devraient avoir lieu en 2016. Et nous sommes en 2018, il y a eu des gymnastiques pour arriver là où nous sommes. Vous avez des organisateurs qui trichent. On dit un chat échaudé craint de l’eau froide. Voilà pourquoi le peuple vit dans la peur de la fraude.
On nous amène des machines à voter, cela fait combien de mois depuis que le peuple congolais critiquent ces outils électoraux ? Cela ne date pas d’aujourd’hui et encore moins d’hier. On conteste depuis qu’on a lancé cette affaire. Même au niveau international, on a critiqué. On a consulté le gouvernement sud-coréen, pays où cette machine est fabriquée, qui a donné son avis.
L’alternative a été donnée qu’on préférait les bulletins et le vote manuel. Mais il y a eu plus de 40 millions d’électeurs enrôlés. Maintenant pour passer la commande des 40 millions d’enrôlés, il faut passer par l’appel d’offre international, on reçoit des offres qui prennent un peu de temps pour être examinées.
Ensuite, on passe la commande à la société qui aura gagné le marché. Il faut trouver des fonds une fois que la commande ait été passée. Il faut aussi du temps pour la fabrication et pour les amener au pays, d’abord dans la capitale et puis à l’intérieur du pays. L’option de bulletin peut, à l’heure actuelle, conduire le peuple à un dilemme.
Concernant la machine à voter, vous savez quel est le sort qui est réservé au peuple. Devant cette situation, si vous optez pour les bulletins, on vous exigera encore une année de glissement. Comment alors juger un gouvernement qui traite de cette manière son peuple! Vous voulez qu’on attende quoi d’un tel pouvoir organisateur des élections qui triche, qui travaille aussi pour vous mettre devant un dilemme ? On est là devant un fait accompli.
Il ya plus de 8 mois qu’on demande le retrait de ces machines. C’est pourquoi, certains partis politiques disent qu’au lieu d’accorder encore 12 mois ou 15 mois à Joseph Kabila, prenons le risque d’aller aux élections avec ces machines, quitte à ce que le peuple ouvre les yeux et qu’il réagisse le moment venu. On ne défend pas la position d’un quelconque parti politique, mais on se demande quelle est la voie à suivre en ce moment ou quelle est la meilleure option?
Par LKT