Rompant le silence, le Secrétaire Général honoraire exhorte les principaux animateurs actuels du parti à faire montre de leadership et à s’inspirer de l’exemple de l’ANC qui est resté fort malgré la disparition de Nelson Mandela
Après plusieurs mois de silence passés à observer la situation politique et sociale que traverse la République Démocratique du Congo, le Secrétaire Général honoraire de l’Union pour la Démocratie et le Progrès Social, l’honorable Alexis Mutanda Ngoy-Muana rompt le silence.
Dans une interview accordée à deux journaux paraissant à Kinshasa parmi lesquels le Quotidien La Tempête des Tropiques dont il est le fondateur, ce député national honoraire (élu en 2011 sur la liste UDPS dans la circonscription de la ville de Mbuji-Mayi) donne les raisons de son long silence et évoque quelques sujets brûlants de l’heure sur le plan politique, sans manquer de donner son avis sur les tiraillements qui secouent actuellement l’UDPS depuis le décès du Lider maximo Etienne Tshisekedi wa Mulumba d’heureuse mémoire.
Ancien Secrétaire Général de l’UDPS (de 2008 à 2011), l’ingénieur Alexis Mutanda fut aussi Secrétaire National aux Relations extérieures (de 1997 à 2008). Actuellement PDG du groupe de presse « La Tempête des Tropiques – CNTV – Trinitas FM » et Président de l’Association ADAM (Association des Amis d’Alexis Mutanda), l’ingénieur Mutanda a eu à assumer par le passé la fonction de Directeur de l’Equipement en charge de la réalisation des projets à la Société Nationale d’Electricité (SNEL).
Parmi les projets qu’il a dirigés au sein de cette importante entreprise publique figurent les centrales d’Inga et les lignes de transmission de courant HT (haute tension) comme Inga – Shaba en THTCC (1970/1986).
C’est donc un homme qui maîtrise très bien la notion de leadership qui répond aux questions ci-dessous.
Question : Honorable, peut-on savoir les raisons de votre long silence, donnant même l’impression d’être effacé de la scène politique ?
Alexis Mutanda :Mon long silence était dû à beaucoup de choses. Car, le pays traverse une période de turbulence, étant donné que hier il y avait deux groupes politiques, l’un au pouvoir et l’autre dans l’opposition. Mais, aujourd’hui, ces deux groupes se retrouvent ensemble, notamment le Front Commun pour le Congo (FCC) et Cap pour le Changement (CACH), coalition qui est aujourd’hui au pouvoir.
Evidemment un mariage amené par la force des choses, étant donné les résultats des élections du 30 décembre 2018. Ce qui veut dire que la situation est complètement différente à celle d’hier. Dans cette nouvelle configuration, il est tout à fait raisonnable qu’on puisse se donner un temps de réflexion et d’observation, pour bien comprendre la direction que prend le pays.
Il est évident que la grande majorité de la population et même beaucoup de politiciens ne savent pas où nous allons. Seule une minorité des personnes très avisé sait où l’on s’achemine. Ce sont ces gens-là qui organisent et planifient les choses, de manière à nous amener vers un point bien déterminé. Il faut aussi savoir que ces planificateurs ne sont pas en contact avec la grande masse, ni avec la population, ni avec les politiciens.
Je sais que certains ne sont pas du même avis que moi, mais c’est ma façon de voir les choses. Je peux vous donner cet exemple : le FCC dirige aujourd’hui presque toutes les provinces du pays et dispose de la majorité de sièges tant au Sénat qu’à l’Assemblée Nationale. Qui peut dire avec exactitude où nous allons avec une telle situation ? Dans un tel environnement politique, quelles peuvent être les
quelles peuvent être les chances de réussite d’un programme aussi important comme celui de la gratuité de l’enseignement de base, telle que décidé par le président de la république ?
Aujourd’hui, Zoé Kabila est Gouverneur d’une province stratégique comme le Tanganyika, et sa sœur Jeannette Kabila est présidente de l’importante Commission Défense et Sécurité de l’Assemblée Nationale. Croyez-vous que tout cela a été fait au hasard?
Est-ce que du temps où Joseph Kabila dirigeait le pays, les Congolais pouvaient accepter facilement que les frères biologiques de ce dernier accèdent aux fonctions qu’ils occupent aujourd’hui ? Tout cela devrait faire réfléchir les Congolais que nous sommes.
Question : Entant qu’ancien Secrétaire Général de l’UDPS, que pensez-vous des tiraillements et querelles autour de l’intérim à la tête du parti ?
Alexis Mutanda : On a vu comment la CENI a publié les résultats des dernières élections dans notre pays. La situation est très complexe sur le plan politique ? Certes, l’UDPS est la fille ainée de l’opposition, mais n’oubliez pas dans quelles conditions d’autres partis tels que le MLC et le PALU avaient rejoint le pouvoir et comment cela s’est terminé.
Et l’UDPS, bien sûr, avait commencé avec ses amis de l’Ensemble, les amis du Rassemblement ? Tout cela a conduit au dialogue au niveau de la CENCO. Devant tout cela, qui peut dire qu’une telle situation est claire ?
Si l’on y ajoute les réunions qui se sont tenues à Genève et à Naïrobi, la situation politique en RDC devient encore plus complexe.
Et il n’y a que ceux qui ont planifié ce schéma qui savent pour quel objectif ils ont fait cela.
Question : Quel conseil pouvez-vous alors donner à ceux qui dirigent aujourd’hui l’UDPS ?
A. Mutanda : Que puis-je leur conseiller si ce n’est qu’ils acceptent la liberté d’opinions et de pensées prônée par le parti cher à feu Etienne Tshisekedi wa Mulumba, afin de ne pas tomber dans le piège de la pensée unique que le Lider maximo a eu à combattre sous les régimes Mobutu et Kabila.
Dans un parti, on ne doit pas interdire la différence d’opinions ; et pour préserver l’unité du parti, il faut toujours se référer aux documents de base, notamment les statuts du parti (à ce que je sache ces statuts n’ont jamais été modifiés), ainsi que les trois structures du parti, la centrale électorale, la Convention démocratique, et le Secrétariat général. Bien sûr, au dessus il y a la présidence du parti.
Chaque cadre ou militant de l’UDPS est appelé à accepter ces organes et à interpréter correctement les statuts du parti. Il est aussi important de savoir que lorsqu’on est responsable au sein d’une organisation, ce n’est pas tout le monde qui vous souhaitera du bien. Il appartient donc aux responsables actuels du parti d’identifier les éventuels infiltrés, s’il y en a.
Question : A propos justement de l’intérim à la tête du parti, entant qu’ancien Secrétaire Général de l’UDPS, qu’auriez-vous fait à ce sujet, et que disent les textes du parti ?
A.Mutanda : Les animateurs principaux du parti doivent établir un leadership à la tête de celui-ci, afin que les objectifs visés soient atteints. Voyez l’exemple du Congrès National Africain (ANC), en Afrique du Sud. L’ANC est un parti qui a eu aussi ses problèmes internes. Malgré cela, Mandela a été une grande lumière pour ce parti. Ce leader est décédé, il est parti, mais l’ANC est toujours politiquement fort.
Mandela a fait un mandat. Après lui, Mbeki en a fait deux, Zuma a fait aussi deux mandats. Cela fait combien de mandats déjà ! Et maintenant c’est Ramaphosa qui est à la tête du pays. Cela veut dire que ce parti dispose d’une direction politique tellement solide, que malgré tous les aléas qui peuvent surgir, ils arrivent toujours à les surmonter.
Si l’UDPS veut survivre, voilà un bel exemple qu’il faut suivre. Il faut une direction politique qui puisse prendre les choses en mains.
Question : quels sont les objectifs poursuivis par l’UDPS ?
A.Mutanda : Le parti laissé par le regretté Président Etienne Tshisekedi wa Mulumba est censé axer son combat politique sur l’instauration d’une vraie démocratie au pays. Cet objectif noble devrait être consolidé, afin d’amener le Congo à devenir véritablement un Etat de droit où le bien-être social sera à la portée de tous les Congolais.
Il faut donc savoir que les combattants ou membres d’un parti politique sont réunis par les documents de base qui ne sont autres que les statuts et le règlement d’ordre intérieur.
Si tout le monde revient à ce dénominateur commun qui s’appellent les statuts, et si l’on s’organise pour mettre en place une convention démocratique correcte, une commission électorale correcte, et un secrétariat général, ce sont ces organes qui seront à la tête de la gestion du parti. Lorsque des gens refusent de reconnaître ces organes, c’est qu’ils ont un agenda à eux et leurs propres objectifs. Alors, à ce moment-là ça devient très difficile.
Question : Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo est à la tête du pays pour un mandat de cinq ans. Et 5 ans ça passe très vite. Ne pensez-vous pas qu’avec les tiraillements actuels à l’UDPS, cela risque d’affaiblir ce parti pendant que d’autres se préparent déjà pour les élections à venir ?
A.Mutanda :En République Démocratique du Congo, on a eu des leaders comme Patrice Emery Lumumba, Etienne Tshisekedi wa Mulumba, et d’autres encore. Ces leaders avaient une vision pour le Congo. Aujourd’hui, malheureusement, beaucoup adhèrent à un parti pour l’intérêt personnel, c’est-à-dire devenir ministres ou mandataires d’entreprises publiques. Ca, ce n’est pas l’idéal prôné par l’UDPS.
Les choses telles qu’elles se passent indiquent qu’on est loin d’être sorti du tunnel. Et ceux qu’il faut le plus plaindre aujourd’hui, ce sont les jeunes. Voyez dans quelles conditions sociales vivent les jeunes à Kinshasa. Ils sont, pour la plupart, versés dans la consommation de l’alcool frelaté que vous appelez « aguéné » ou que sais-je encore ! Tout cela c’est très inquiétant pour l’avenir de notre pays.
Propos recueillis par Dieudonné Mbuyi K.