Le secrétaire général honoraire de l’UDPS invite par ailleurs les gouvernants à bien gérer la situation économique, dont l’après Covid-19 s’annonce très dur, ainsi qu’à la prudence concernant l’insécurité à l’Est!
Par Lucien Kazadi T.
La République Démocratique du Congo est secouée pour le moment par plusieurs problèmes sanitaire, politique, sécuritaire, et autre de justice. C’est dans ce cadre que le groupe de presse La Tempête des Tropiques, constitué, outre du quotidien qui porte le même le nom, de la télévision CNTV et de la radio Trinitas FM, a approché son propriétaire, le Pdg Alexis Mutanda, pour recueillir sa lecture des faits, en son autre qualité d’acteur politique averti et de haut cadre de l’UDPS (Union pour la Démocratie et le Progrès Social)
Lisez ci-dessous l’intégralité de cette entrevue!
La Tempête des Tropiques : Quel jugement portez-vous sur l’évolution actuelle de la justice congolaise, quand on voit comment elle gère tous les dossiers qui lui sont présentés; «affaire détournement des fonds destinés au Programme des 100jours», (avec le procès Vital Kamerhe et consorts en tête), le dernier prononcé de la Cour de cassation dans le soi-disant dossier de «violation de Constitution par le Président de la République», selon une déclaration du Président du Sénat, Alexis ThambweMwamba, «affaire pasteur Mukuna» et autres?
Alexis Mutanda : Merci pour la question. Vous savez que ce sont des questions assez complexes, qui demandent une connaissance approfondie en cette matière. Mais à voir les choses telles qu’elles se passent, comme tout le monde, je dirai que la justice est sur la bonne route.
Parce que c’est la première fois qu’on voit qu’une personnalité d’une certaine importance soit inquiétée par la justice, qui doit répondre de ses actes. Mais dans notre pays, nous sommes habitués depuis plusieurs années de voir beaucoup de dossiers sortir à la surface, faire beaucoup de bruit, occuper la scène de l’information, et petit à petit disparaître dans la nature. Espérons que cette fois-ci, ça pourrait aller jusqu’à la fin.
Pour ce qui est du prononcé de la Cour, c’est une affaire séparée, ça évoluait selon l’examen du dossier au niveau de cette haute cour. Mais pour les dossiers qui exigent des investigations, je m’aimerai voir quand même avec le temps comment tous ces dossiers vont évoluer.
Le cas de l’affaire de Vital Kamerhe et consorts, où il y a plusieurs dossiers, parmi lesquels celui des logements notamment pour les militaires. Il ne faut pas qu’on puisse distraire des gens avec autre chose, pendant que ce dossier évolue au niveau de la justice, pour après le faire disparaître dans la nature.
Dans l’affaire pasteur Pascal Mukuna, il y a aussi plusieurs choses là-dedans. Il a d’abord soulevé les questions de grandes importances en rappelant à l’intention publique tous ces problèmes de détournements de fonds sous l’ancien régime dans le pays, de violation des droits humains, à l’exemple de Kamwina Nsapu, et autres dossiers qui ont occupé l’opinion publique pendant plusieurs mois, qui n’ont presque rien donné. Un autre dossier est celui des fosses communes de Maluku, cette partie périphérique de la ville province de Kinshasa, qui avait également fait beaucoup de bruit.
Le pasteur s’est montré inquiet de ces dossiers, il a voulu les relever, sortir de ces dossiers leurs morts. C’est ainsi qu’on s’est attaqué de lui. Comme toujours dans notre pays, quand on veut soulever des problèmes de grande importance, on lui colle un scandale comme on avait fait avec beaucoup de Congolais, qui croient être sur la bonne piste, qu’il fallait continuer et voir le dossier aboutir.
Il ne faut pas qu’on soulève une chose qui ne va pas aboutir. On doit éviter ce genre de chose, de distraire les gens. C’est avec le temps qu’on saura réellement que la justice congolaise est désormais sur la bonne voie, ou si elle est là pour distraire les gens pour gagner le temps.
TDT: Pour ce qui est de la maladie à Coronavirus 2019, pensez-vous que la RD Congo peut vite s’en sortir sur le plan économique après cette pandémie?
AM:C’est un autre problème complexe avec ce virus. Pour le moment je suis bloqué en Europe, je peux vous rapporter l’expérience que nous sommes en train de vivre ici, que ce soit pour la Belgique, pour la France, pour la Russie ou encore pour les Etats-Unis d’Amérique, qui sont dans une année électorale, lorsqu’une compagnie aérienne a bloqué une centaine de ses avions pendant 2 à 3 mois, et qu’on se pose la question de savoir comment est-ce que cette compagnie peut résister face à cette crise de Covid-19?
Il faut bien serrer la ceinture pour trouver la solution. Et que dire des travailleurs, qui des mois et des mois, sont bloqués dans leurs domiciles pour raison de confinement et les sociétés soient fermées. Je peux vous donner l’exemple de la France, où l’industrie du tourisme fait entrer pendant la période de juin jusqu’en septembre 57 milliards euros de recettes chaque années.
Cela,quand on voit le nombre de touristes qui viennent de la Chine, de l’Europe, de l’Asie et de partout. Avec la période que nous sommes en train de vivre actuellement, cette industrie doit rester fermée. Il faut comprendre que quand on voit partir des sommes aussi colossales en l’air, dans la nature, parce qu’on ne peut plus les rattraper d’aucune manière. Cela est pareil pour toutes les industries automobiles, toutes les sociétés de vente, et autres grandes sociétés.
Je crois qu’au Congo, ça va être la même chose, lorsqu’on va faire le bilan des activités bancaires (de toutes les banques installées dans la capitale où l’intérieur du pays, dont le personnel de plus de 80% est bloqué, confiné à la maison. Quand il faut rouvrir toutes ces sociétés, je ne sais pas s’il y a une société qui va sortir indemne de cette crise. Il faut s’attendre à ce qu’on puisse vivre des temps très durs la fin de la crise.
Pour le moment, aussi longtemps qu’on n’a pas trouvé des pistes médicales pour guérir la maladie, surtout le vaccin qui doit garantir la santé des gens pendant des années à venir, aussi longtemps que nous sommes dans cette période d’incertitude, on ne sait pas exactement quand est-ce que cette crise va prendre fin, il faut s’attendre à ce que les grandes entreprises du pays, qui sont touchées par les conséquences, on ne sait pas non plus quand est-ce que ces sociétés vont reprendre leurs activités, comment elles vont compenser ce qu’elles ont subi pendant cette période de 3, 4 et autres 6 mois.
Déjà au niveau des locations, par exemple, des maisons, des appartements, je peux vous rassurer que les bailleurs éprouvent de très sérieuses difficultés. Les locataires sont en train de réclamer qu’ils n’ont pas exercé des activités de manière normale, il faut voir de quelle manière qu’il faut devoir assouplir les conditions. Et lorsque vous assouplissez les conditions, il faut dire qu’en ce moment-là vous n’avez pas la rentabilité.
Il faut aussi s’attendre à ce que les conséquences attendues dans des pays développés puissent avoir des répercussions dans les pays comme le nôtre, on l’économie a toujours battu de l’aile. Surtout que les sociétés dans nos pays ont toujours fonctionné de manière assez particulière.
Pour cette raison, les gouvernants, ceux qui gouvernent dans le pays, doivent se pencher très sérieusement sur cette question. Parce qu’il va y avoir des répercussionssur l’emploi, sur les revenus de l’Etat, de telle manière que les conséquences seront assez dures. Il faut s’attendre à des temps durs quand on va sortir de cette pandémie.
TDT: Une autre préoccupation, selon vous pourquoi est-ce que l’insécurité à l’Est continue à perdurer jusqu’aujourd’hui, malgré l’alternance au sommet du pays?
AM:L’alternance au sommet de l’Etat, je n’ai jamais compris qu’est-ce que les gens voulaient dire par-là. Parce que n’oubliez pas que notre pays est dirigé selon une Constitution qui prévoit beaucoup d’institutions politiques. Il y a le Président de la République, il y a les autres institutions, le Sénat, l’Assemblée nationale, les Assemblées provinciales, et autres.
Lorsqu’il y a changement au sommet de l’Etat, mais le Président de la République Président de la République est un organe de tout cet ensemble. Vous savez très bien qu’au moment où nous avons fait les élections, il y a eu des compromis, de telle manière que tout était mélangé. Vous êtes Président de la République, mais vous avez un Sénat qui est constitué d’une majorité appartenant à une famille politique autre celle du Chef de l’Etat.
La même chose pour l’Assemblée nationale, qui est dirigée par une famille autre que celle du Président de la République. Pareille pour les provinces, dont la majorité est gérée par cette famille différentes du Président de la République. C’est à ce niveau qu’on a fait des compromis très compliqués.
De telle manière que l’alternance au sommet de l’Etat que la situation que vous relevez là-bas à l’Est ne dépend seulement du Président de la République. Cela dépend de beaucoup de choses. Lorsque vous analysez la situation à l’Est du pays, c’est une situation qui est nébuleuse. Entre-temps, quand on est à Beni, on vous dira qu’il y a des morts chaque jour.
C’est-à-dire que depuis des années, quelqu’un va venir vous dire que ce sont des rebelles ougandais, qui viennent faire des incursions dans la ville, si vous analysez de très près, vous allez vous rendre compte qu’au lieu de se rebeller contre leur pays, ces fameux rebelles parviennent aux territoires congolais pour massacrer les gens, des personnes qui n’ont rien avoir avec ce qui se passe en Ouganda. C’est-à-dire le problème est ailleurs.
Ces gens qui font des incursions ce ne sont pas vraiment des rebelles ougandais. Ils devraient se mettre en tête qu’il faut porter des solutions pratiques dans leur pays et ne doivent pas venir massacrer les gens dans un autre pays depuis plusieurs années. Dans ce dossier, il y a autre chose que ce qui est présenté à l’opinion publique.
Autre chose, dans cette partie de l’Est du pays, il y a les problèmes des minerais, qui ne sont pas contrôlés par nos autorités. Lorsqu’on parle du coltan aujourd’hui, une matière première très importante dans l’industrie au monde, je peux vous rassurer que la plus grande partie vient de nos mines au Congo. Est-ce qu’aujourd’hui, les Congolais connaissent le nom d’une société qui commercialise le coltan qui est exploité au Congo. Il y a tout là-dedans.
Mêmes nos enfants qui sont en train de mourir dans des mines là-bas, qui sont d’ailleurs des mines à caractère artisanal, et qu’il y a des éboulements tous les jours parce que les normes ne sont pas respectées. Les gens qui y meurent sont des Congolais. Et quand le coltan sort de là-bas, il traverse la frontière pour aller dans d’autres pays qui le commercialisent. Il y a à boire et à manger dans cette situation. Il y a des gens qui tirent les ficelles dans cette situation de l’Est.
Le dossier est compliqué. Nos autorités doivent voir de qu’il s’agit, voir de quelle manière il faut y mettre fin. Sinon, ça va continuer. Vous avez posé la question qu’il y a le changement au sommet de l’Etat, mais ceux qui gèrent ces coins, notamment à l’Est, sont les mêmes qui géraient depuis les années cette partie. La situation reste confuse.
TDT: Un dernier mot pour interpeller les autorités ou sensibiliser la population par rapport au Coronavirus.
AM: Pour le Coronavirus, Dieu merci, parce que jusque-là l’Afrique et spécialement notre pays, n’a pas connu des situations comme dans certains pays en Europe, en Amérique et surtout en Asie, précisément en Chine, où le virus s’était déclaré. Il faut ainsi continuer à respecter les gestes barrières et demeurer prudent, pour ne tomber dans cette situation qui prévaut ailleurs, dans ces pays cités ci-haut.
Les autorités ne se sont pas montrées très exigeantes en laissant les gens au niveau des marchés qui se marchent sur les pieds, et plusieurs autres règles ne sont pas respectées. Des choses doivent être améliorées!